Il était une fois…
Les Nez Fastes sont nés en février 2005.
Les jours étaient courts et le moral pas très haut pour trois copines/collègues que la vie bousculait un peu. Sylvie Genot, Elisabeth Martino et Christine Revuz n’allaient pas se laisser faire… Grâce au travail de clown de théâtre, elles allaient chercher comment faire face, comment trouver la présence, les distances, les décalages, l’assise, qui permettent que toute expérience révèle son côté « faste ». Et, bien sûr, il s’agissait de partager cette aventure avec les autres.
De week-end en stages, les Nez fastes ont accueilli des centaines de personnes venues découvrir ou faire vivre leur clown. Au delà de la découverte des principes de base, nous avons eu à cœur de travailler avec des professionnels reconnus. Vincent Rouche et Anne Cornu ont, dès le début, guidé notre travail en animant chaque été des stages à Leschaux. Nous avons aussi tricoté le clown avec le chant (Catherine Cardin, Blandine Griot), la danse (Giovanna Parpaggiola, Isabelle Pinon), le rythme (Eric Lyonnet), la méditation, et parfois gouté aux démarches d’autres formateurs clown (Eric Lyonnet, Cyril Griot, Carole Tallec, Sylvie Daillot).
En 2015, sous la houlette d’Eric Lyonnet nous avons mis sur pied un spectacle « sur ces entrefêtes » qui a mobilisé quinze clowns. Sarah Benilouche a tourné un film sur cette aventure collective.
https://vimeo.com/206993161/3dd88dc52a
Et maintenant ?
Mais si les Nez Fastes ont le sens de la fête, ils ont aussi une attention vive au monde qui les entoure, à ce qui change, à ce qui se cherche, à ce qui cafouille, à ce qui est désolant ou inquiétant parfois.
Depuis 2009, les Nez Fastes interviennent dans des colloques, des évènements, pour y mettre leur « grain de sel » (lien avec la rubrique intervention).
Oh, bien sûr, nous ne changeons pas le monde. Mais nous regardons « avec tout le visage » ce qui s’offre à nous, et nous essayons de tenir notre place en étant juste, ouvert, pertinent.
Notre projet
C’est là un projet ambitieux ! Nous essayons d’avoir les moyens de cette ambition ( !) en travaillant avec rigueur notre qualité de Présence. Présence à ce qui se passe autour de nous, en nous, Présence à l’instant, fugitif mais ouvert à tous les possibles.
Cela passe par l’apprentissage de règles du jeu. Ces règles, bien sûr, permettent de partager l’espace et le temps de l’improvisation avec d’autres acteurs clowns. Mais elles sont aussi une sorte de « guide de lecture » des situations qui permettent à chacun de sentir précisément où il en est, ce qu’il donne à voir, la manière dont le partenaire ou le public réagissent.
Quelles sont donc ces règles ?
Les règles du jeu
« Regarder avec tout le visage ce qui attire notre attention » est une des règles de base que nous ont transmis Vincent Rouche et Anne Cornu. Cette règle a des implications dont on n’a jamais fini de découvrir la profondeur.
Il s’agit, bien sûr, de ne pas être enfermé dans sa bulle, mais au contraire disponible à tout ce qui passe, à tout ce qui se passe. A quelqu’un dans le public qui se met à bouger, au corps du partenaire qui se tourne, à sa propre main qui fait un geste imprévu, au tracteur qui passe dehors, etc. ..
C’est cette attention méticuleuse mais souple qui donne au clown sa sensibilité, sa mobilité, sa capacité à être réellement vivant, c’est à dire en état d’improvisation.
Mais cette règle va plus loin : elle implique de faire avec ce qui est, de prendre vraiment la réalité en compte, quelle qu’elle soit, d’accepter de s’exposer à ce qui surgit et de s’en débrouiller, dans l’instant, en public.
Cette réalité, on s’en doute, provoque des réactions, des émotions, des impulsions, parfois très vives. Faut-il tout laisser sortir en vrac ? Convient-il de se laisser emporter par le courant, quitte à ne plus vraiment savoir ce que l’on fait ? Pas vraiment. Il s’agit plutôt de prendre un peu de temps entre soi et soi pour accueillir tout ce qui vient spontanément, s’en réjouir, et … faire le tri !
Cet espace de lucidité et de liberté intérieure est l’objet d’une seconde règle fondamentale : Autant regarder ce qui surgit est immédiat, autant on s’efforce ( !) de « prendre un temps avant d’agir ». Là encore, c’est une règle, infernale il faut le dire, mais très puissante. Elle permet de développer une stabilité qui rend bien service une fois transposée sur la scène de la vie quotidienne !
Mais alors d’où vient que l’on rit, que l’on fait rire ?
Paradoxalement, le clown que nous pratiquons ne cherche pas spécialement à « faire rire ». Fondamentalement ce qui fait rire, ce qui touche, ce qui déplace, c’est de voir le clown vivre, de voir le travail qu’il fait pour être Présent, pour se débrouiller de ce qu’il vit, de ses émotions, de ses pannes, de ses désirs.
Et si l’on peut rire, d’un rire plein de légèreté, c’est que l’on ne rit pas du clown (cela mettrait plutôt mal à l’aise), mais avec le clown qui tente d’avoir la conscience la plus grande possible de ce qu’il donne à voir, y compris ce qui, de prime abord, lui échappe.
Et l’on rit beaucoup, en empathie avec cet humain qui fait, comme chacun de nous, ce qu’il peut.
Mais alors, s’agit-il d’une pratique artistique ou de « développement personnel » ?
Euh, Ben… Une pratique artistique, si elle est exigeante, est toujours l’occasion de changements importants pour les personnes. Pratiquer le clown nous fait grandir, c’est sûr, mais dans quelle direction ?
Notre travail, clairement, ne se veut pas « thérapeutique ». Sauf à admettre que la conscience, la bienveillance et l’humour sont des ingrédients nécessaires du bien être individuel et collectif ! Le clown, comme nous le pratiquons, aide plutôt faire avec ce que l’on est, plutôt qu’à fabriquer des personnes performantes et rutilantes !
Bienvenue dans le monde cabossé, chaleureux et ouvert des Nez Fastes.